21 - Les Bords de Loire -
La Loire à Ancenis : fleuve au régime irrégulier, il n'a pas manqué de marquer l'histoire de la ville en raison de ses turbulences périodiques, provoquant crues et inondations qui ont laissé des traces indélébiles dans la mémoire des hommes, ces derniers étant contraints pour s'en protéger de modifier l'hydrologie fluviale par des constructions, des aménagements ou des déplacements de formes sableuses, ces transformations comme l'exploitation outrancière du sable du chenal de navigation s'étant traduites par une accélération de la vitesse du courant, une érosion progressive des berges et un abaissement de la ligne d'eau. Depuis 1711, les variations extrêmes d'étiages, exprimées en mètres, ont été les suivantes :
Dates | Crues | Basses eaux |
3 mars 1711 | 7,49 | |
22 juillet 1783 | 7,07 | |
28 février 1823 | 6,39 | |
18 janvier 1843 | 6,54 | |
4 mars 1844 | 6,28 | |
8 juin 1856 | 6,73 | |
22 août 1863 | -0,21 | |
18 août 1864 | -0,26 | |
29 juillet 1870 | -0,43 | |
14 décembre 1872 | 6,46 | |
1° décembre 1910 | 7,06 | |
6 mars 1923 | 6,70 | |
16 septembre 1829 | -0,47 | |
7 janvier 1936 | 6,83 | |
29 janvier 1941 | 6,38 | |
11 septembre 1943 | -0,76 | |
23 août 1949 | -1,53 | |
25 décembre 1952 | 6,37 | |
10 janvier 1961 | 6,11 | |
8 octobre 1972 | -1,35 | |
24 décembre 1982 | 6,06 | |
23 août 1991 | -3,63 | |
29 janvier 1995 | 5,49 | |
11 septembre 1996 | -3,24 | |
18 août 1998 | -3,20 | |
19 août 2000 | -2,64 | |
Parfois, la Loire subit la présence d'embâcles ou est l'objet de prises totales de l'eau par le gel en permettant la traversée à pied (dates en italique), comme ce fut le cas en 1766, 1829-1830, 1855, 1868, 1870, 1880, 1891, 1895, 1917, 1959, 1962, 1985, 1987 & 1977.
Enfin, en raison de l'évolution du cours de la Loire entre Ancenis & Nantes, on assiste parfois depuis 1970 à une remontée vers l'amont de l'influence de la mer, la marée dynamique {hauteur des eaux} qui ne faisait pas sentir ses effets en amont de Champtoceaux, le fait depuis lors jusqu'à 4 km en amont d'Ancenis, la marée de salinité {mélange d'eaux douce et de mer} atteignant l'Île Mouchet, mais ce, sous la double condition de la présence d'étiage très bas et d'un fort coefficient de marée.
L'activité fluviale & le port d’Ancenis : avant la construction du pont, Ancenis est “un port traversin”, la traversée de la Loire s’opérant au moyen de bacs, “les toues”, le droit de bac étant affermé à un exploitant qui fournit le matériel et les moyens nécessaires. Le port s’étend alors de part et d’autre des murailles du château avec le petit port du XVIII° siècle, situé à l’est, et le grand port à l'ouest édifié au XIX° siècle, à partir de la maison et de l’entrepôt de l’Éperon détruits au cours du bombardement du pont en 1944. Tout le long du port stationnent un bateau-bains et des bateaux-lavoirs, des terrains étant aménagés comme “étendoirs” pour le séchage du linge. C'est aussi un port de tourisme, une compagnie de bateaux à vapeur desservant la ligne Angers-Nantes fait escale à Ancenis sous la poterne du château. Une des deux chaudières de l'un ce ces bateaux à vapeur a d'ailleurs explosé en janvier 1842 à la pointe de l’Île Mouchet.
Sur le grand port, à l’emplacement actuel de la Charbonnière, est le “Café de la Loire”. En 1840, une levée relie l’Île Mouchet à la ville et, sur ce nouvel espace, est installée “La Charbonnière”, entrepôt qui se substitue au magasin de l’Éperon ; il n’existe bien évidemment pas d’installation portuaire, le grand port n’étant qu’une longue grève aux limites imprécises. Toutefois, une décision préfectorale de 1827 autorise la construction de quais, en amont du pont, mais les travaux, engagés en 1842 sur les plans de l'architecte Delépine, sont interrompus durant 10 ans en raison de l’obstruction faite par les propriétaires du château. Ces quais sont inaugurés 6 mois après la mise en service du chemin de fer en 1851, i.e. au moment du déclin de la navigation sur la Loire... Cependant, l’activité portuaire reste quelque peu active du fait de l’exploitation des sablières de Loire. La construction des quais du petit port conduit à l'abattage de certains remparts et à des remblaiements. Le comblement du port entrepris par le ville ne s'achève qu'au XX° siècle, entre les deux guerres.
La protection de la “Route de Paris” nécessite également l'édification d’un surplomb en raison des crues fréquentes de la Loire, un vaste terre-plein planté de platanes étant créé à la fin des années 1960 à l'est de l’Éperon, sur lequel sont aménagés un jardin public puis une piscine découverte en 1967.
La Rue des Tonneliers, ouverte autrefois directement sur la Loire, garde le souvenir des 4 Courtiers-Gourmets d'Ancenis, charges reçues en 1573 du Roi Charles IX, le duc d'Elbœuf étant alors baron d'Ancenis. En bordure de l'ancien port d'Ancenis remblayé aujourd'hui, des petites rues traversières parallèles descendent vers le port en coupant cette grande voie charretière, bordée de maisons cossues érigées du XVI° au XIX° siècle par les riches négociants en vins, dont l'architecture a gardé l'empreinte de cette activité avec leurs caves-entrepôts s'ouvrant sur une grande porte typique arrondie, le vin étant à l'origine d'immenses fortunes sitôt investies dans la pierre. En 1783, résident également dans cette rue 5 des 16 tonneliers que compte alors la ville. Au nombre des curiosités de cette ville, remarquer :
- au n° 274, la maison de caractère Napoléon III à l'ornementation parfois exubérante, avec décor sommital fleuronné, balcons finement ouvragés et terrasse ; c'est dans cette maison que réside le comédien Sim au début de 1940,
- au n° 212, une riche maison de négociants du XVII° siècle,
- au n° 192, au fronton, une lucarne mansardée portant la date de 1880,
- au n° 124, une maison typique de l'activité du négoce du vin avec les ouvertures cintrées des entrepôts au rez-de-chaussée,
- au n° 94, une maison Directoire, avec façade et balcon historié en fonte, richement ciselés,
- aux n° 35 & 20, des maisons-tours escalières, logis avec tourelles portant un escalier à vis de la fin du XV° siècle,
- entre les n° 8 & 10, sur la façade, un cadran solaire en schiste qui a traversé le temps et mérite sa mise en valeur.
Le parc de l’Éperon : dans les textes du XV° siècle c'est au château qu'est mentionnée la prison, le puissant baron d'Ancenis disposant des droits de haute, moyenne et basse justice ; il est fait mention pour la première fois en 1603 d'une prison dans le quartier de la "basse-cour" du château, "la geôle", ceinte de murs de 5 m de haut, avec une chapelle à l'étage, éclairée par 2 oeils-de-bœuf, une petite fenêtre à barreaux percée dans le mur de la prison des hommes permettant à ceux-ci, sans quitter leur cellule, d'entendre la messe célébrée les dimanches et jours de fête. Les exécutions capitales ont lieu aux "fourches patibulaires" situées au lieu-dit "La Justice" à la limite des communes d'Ancenis et de Saint-Géréon dont le gibet reste dressé en permanence. Cette "basse-cour" est détruite lors du percement de la voie menant au pont. L'actuel parc accueille maintenant la statue de Joachim du Bellay {Liré 1° mai 1522 - Paris 1° janvier 1560, membre du Groupe de La Pléiade, mouvement de 7 poètes rassemblés autour de Pierre de Ronsard & Joachim du Bellay, s’inspirant des poètes gréco-latins et défendant la langue française qu’ils utilisent désormais dans leurs œuvres}, le poète, vêtu d'un costume du XVI° siècle, tourné vers la Loire et Liré, "cul vers ville", tenant en main son recueil “Les Regrets”. Cette statue, dont le bronze est coulé à l’école des Beaux-Arts d’Angers à partir d'un plâtre du sculpteur breton Adolphe Léonfanti, est inaugurée le 2 septembre 1894 sur le vieux port, au milieu d’un petit jardin ; en 1942, elle est soustraite à la réquisition par un résistant, M. Boursier, et par le secrétaire général de la préfecture de la Loire-Inférieure, pour être discrètement enterrée dans un jardin jusqu'au 17 juin 1945, date à laquelle elle est replacée sur son socle.
Le Pont Bretagne-Anjou d’Ancenis est le 1° pont construit sur la Loire. En raison de la tentative de soulèvement des Vendéens contre Louis-Philippe, fomentée en 1832 par la duchesse de Berry au profit de son fils, le comte de Chambord, le pouvoir royal met en place un plan stratégique visant à quadriller la Vendée militaire par un réseau routier permettant, tant l’acheminement rapide de troupes, que la rupture de l’isolement de ses populations. 9 routes stratégiques aboutissant à Ancenis, cette construction s'impose pour le franchissement de la Loire en ces lieux. Utilisant la technique du pont suspendu des frères Seguin, plus léger, moins coûteux, il est construit par les concepteurs eux-mêmes. D'une longueur de 403 mètres et d'une largeur de 6 mètres, il est ouvert à la circulation en 1839, son accès nécessitant le comblement d'une partie des douves du château. Détruit en 1940 par le Génie militaire français pour retarder l’avance des armées allemandes, il est remplacé par un pont provisoire, édifié par l’occupant, détruit par les glaces de l’hiver 1941-42, puis par un pont TPO (travaux publics de l’Ouest) en bois reconstruit en 1943, brûlé par des résistants dans la nuit du 14 juillet 1944 (on le dit aussi bombardé par les alliés ?). Le 3° et actuel pont, suspendu au moyen de 300 tonnes câbles avec un tablier de 8 tonnes de fonte, est inauguré le 18 janvier 1953 puis baptisé “Anjou-Bretagne" en juillet 2003. La forte sécheresse de l’été 1976 met hors d'eau une partie du tablier de l’ancien pont, alors récupéré par des ferrailleurs. Des travaux de rénovation et de changement des câbles sont entrepris de septembre 2012 à avril 2015.
La Douvelière, classée aux Monuments historiques en 1997, est une ancienne maison des bains, acquise en 1936 par la famille Pigeon-Saint-Bonnet. Jean Saint-Bonnet (1846-1932), issu d’une famille champenoise, est médecin-capitaine au 64° RI de 1895 à 1905 ; au moment de la promulgation de la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État il est "rendu à la vie civile" à raison d'un caractère trop trempé qui ne peut se plier au respect du devoir de réserve. Il retourne s'établir à Reims mais sa fille, Marie-Thérèse née à Ancenis, après avoir épousé Gaston Pigeon; revient à Saint-Herblon en 1934 puis à Ancenis en 1936 pour s'installer à la Douvelière dont Rémi, son 6° enfant, est l'actuel propriétaire.